J’étais loin de croire lors de ma dernière communication que je serais en mesure de vous raconter l’histoire de notre bataille qui, bien que victorieuse, fut très douloureuse – notamment parce que nous déplorons la mort de notre général bien-aimé et de son serviable aide-de-camp, le Colonel McDonell; le Général Brock pour qui aucun mot ne peut décrire son courage lors de l’engagement (ayant reçu une balle de mousquet dans la poitrine). Les membres du York Volunteers, à qui le général a donné ses derniers ordres avant de mourir « Allez-y, York Volunteers »…
Vers 4 heures, le matin du 13 [de ce mois], des Américains ont été aperçus traversant la rivière à Queenston. Nos batteries de canons ont immédiatement ouvert le feu avec beaucoup de succès. Les Américains ont toutefois continué leur traverse et ont même débarqué sur la rive – bien que les pertes furent importantes. Plusieurs embarcations ont été détruites complètement ou avec seulement un ou deux survivants à bord. Au moment même où les membres du 49e Grenadiers et de certaines compagnies de la milice engageaient le combat, le gros des troupes américaines, parti de Lewistown, est débarqué sous couvert au pied de la colline. D’un coup de trompette, la 49e compagnie d’infanterie légère stratégiquement postée au haut de la colline a du quitté son poste pour appuyer les troupes déjà engagées au combat. C’est à ce moment que les Américains débarqués au pied de la colline ont rapidement gravit le sommet et pris possession d’une de nos batteries qui, fort heureusement pour nous, n’était pas dirigée vers le village. Les unités de flanc du 49e, de même qu’un contingent des Yorkers, ont reçu l’ordre de reprendre la colline par une attaque de flanc si possible. Malgré les tirs intenses, les capitaines Cameron, Robinson, Stanton et moi-même sommes alors dirigés au sommet où nous avons alors trouvé le capitaine Williams du 49e avec ses hommes. Avec une force d’environ 70 hommes, nous nous sommes placés en formation d’attaque et avons débuté notre assaut sous les tirs ennemis. Nous avons alors constaté que l’ennemi était embusqué derrière les arbres ce qui aurait freiné notre charge contre eux. Nous nous sommes donc séparés de façon à ce que chaque homme soit derrière un arbre. Nous avons engagé l’ennemi avec un tir nourri pour un certain moment. Le colonel McDonell était maintenant à cheval à nos côtés. Alors qu’il encourageait les troupes, il fut atteint par une balle. Immédiatement après, le capitaine Williams a été blessé à la tête. Je me trouvais à quelque 10 verges d’eux. J’étais convaincu que les deux hommes étaient morts. Sans toute attente, ils se sont relevés. Le cheval du colonel McDonell fut atteint le premier, ce qui entraina un mouvement brusque du cheval exposant ainsi le dos du colonel à l’ennemi. Il fut alors atteint au dos par une balle à son tour. Étant blessé, le colonel décida de se replier dans un endroit sûr avec l’aide du capitaine Cameron. C’est à ce comment que le capitaine Cameron fut atteint par une balle au bras qui lui causa beaucoup de douleur. M. McDonell était alors seul et me cria « Archy, aide-moi ». Avec mon soutien, le colonel et moi sommes repliés sous des milliers de tirs ennemis. J’ai reçu à mon tour une balle dans une cuisse. Fort heureusement, M. Cameron n’avait pas été atteint sérieusement et a donc aidé le colonel à se replier au bas de la colline. Il est décédé hier matin dans des douleurs atroces. Sa dépouille doit être enterrée avec celle du Général Brock.
Les Américains étaient maintenant en contrôle de la colline. Toutefois, le Général Sheaffe, arrivant de Niagara avec 300 soldats du 41e régiment, des miliciens et 250 indiens, regroupa les troupes restantes et se dirigea vers la colline mais à la droite des troupes américaines. Les indiens, très habiles à gravir les montagnes, furent les premiers au sommet à engager l’ennemi pris par surprise. Après s’être regroupés, les Américains repoussèrent les indiens à leur tour. Mais grâce à notre arrivée au sommet et notre tir puissant, l’ennemi fut forcé de se replier. Ils furent poursuivies par les indiens et nos troupes qui criaient et hurlaient à tue-tête. Les Américains s’enfuyaient dans toutes les directions, plusieurs se sont même jetés en bas du précipice alors que d’autres ont tenté de traverser la rivière à la nage. Ils furent blessés ou tués par nos tirs. Un drapeau blanc fut immédiatement hissé par les Américains près des batteries. Ils se sont rendus à titre de prisonniers de guerre. Les immenses pertes ennemies, de même que la perte de notre brave Général Brock et de son aide-de-camp, rendent cette victoire encore plus méritée.